Modification du génome
Éradiquer des maladies graves dès
l'embryon, un pari fou? Les avancées scientifiques sont telles que la réalité
pourrait rattraper la fiction. Dans une étude publiée dans la revue Nature en
août dernier, des chercheurs de l'Université de Portland, dans l'Oregon,
révélaient être parvenus à corriger des gènes porteurs de cardiomyopathie
hypertrophique, une déformation cardiaque grave,
responsable de mort subite. Une
prouesse qui n'a cependant pas encore d'application concrète, puis qu'à ce
jour, aucune législation ne l'autorise.
En effet, si elle représente aujourd'hui une grande
avancée en termes de recherche, le risque de la voir utilisée à des fins
eugéniques, voire transhumanistes, fascine autant qu'il dérange.
Corriger l'anomalie génétique "dans
l'œuf"
Identifier et modifier les gènes responsables
d'anomalie dans l'embryon est désormais possible, grâce
à la mise au point par une chercheuse française d'un "éditeur génétique", CRIPSR-Cas9. Il fonctionne comme des "ciseaux
moléculaires" pour supprimer les "mauvais
maillons" afin de les remplacer par des "bons".
"Il permet de corriger l'anomalie dans l'œuf, in
vitro. Donc même si l'embryon n'est pas implanté dans un utérus, c'est une
prouesse sur le plan technique", reconnaît le professeur Alain Fischer,
immunologiste et titulaire de la chaire médecine expérimentale au Collège de
France. "Cela fonctionne en laboratoire et sur des modèles animaux. On
peut donc se poser la question de l'application en médecine."
Fin 2016, une équipe de scientifiques chinois avaient
déjà utilisé CRISPR pour réinjecter à un patient atteint d'un cancer du poumon
ses propres gènes amputés de l'enzyme permettant au cancer de se développer. À
Londres, l'utilisation d'une technique similaire avait aussi permis la rémission spectaculaire d'une enfant d'un an atteinte
d'une leucémie résistante aux traitements. Le "kit
de bricolage des gènes" s'était également révélé efficace pour guérir des souris de la maladie de Duchenne,
une autre forme de dystrophie cardiaque. Mais ces thérapies géniques somatiques,
c'est-à-dire utilisant l'ADN pour soigner une personne malade, ne posaient pas
de problème éthique, contrairement aux modifications sur les embryons.
"Lorsque l'on effectue des modifications sur
l'embryon à un stade très précoce, les cellules modifiées se transmettent de
génération en génération, ce qui est aujourd’hui interdit par la loi en France
comme ailleurs.
Guérison ou eugénisme?
En 1997, la sortie du film Bienvenue à Gattaca
posait déjà les enjeux du débat. Dans cette oeuvre d'anticipation, Vincent, le
personnage principal, a été conçu naturellement, mais souffre d'une déformation
cardiaque, un lourd handicap dans sa vie professionnelle, qui l'empêche de
réaliser son rêve de voyager dans l'espace. Ses parents décident alors de
concevoir leur deuxième enfant in-vitro, après une soigneuse sélection
génétique, lui permettant de s'approcher de la perfection.
La science n'en est pas encore là, mais
les questions soulevées dans le film sont les mêmes en termes d'éthique. Quelle
est la limite entre prévention des maladies et amélioration de l'individu à un
stade antérieur à la conception? Dans un sondage réalisé en décembre 2017 par
le journal La Croix, 80% des Français se disaient favorables à
cette manipulation s'il s'agit de "guérir les maladies les plus graves
avant la naissance". Mais à l'inverse, 78% d'entre eux sont opposés à
l'utilisation de ces techniques pour "améliorer certaines caractéristiques
de l'enfant à naître", comme la couleur des yeux ou le risque d'obésité,
mais aussi la taille, la force, voire l'intelligence.
"Certains souhaitent aller plus loin que la
simple guérison et aimeraient notamment rendre les enfants résistants à
d'autres maladies, s'inquiète le professeur Fischer. L'étape d'après, c'est le transhumanisme, une
position donc discutable.
L'eugénisme "n'est en aucun cas l'objectif
initial", se défendait dès 2016 auprès de L'Express Emmanuelle
Charpentier, scientifique française à l'origine de CRISPR-Cas9. "Le but,
c'est de développer des traitements pour soigner les maladies, génétiques ou
autres."
Source : lexpress.fr
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